Le "Drachenstich", l'empreinte du dragon

Lorsque le dragon sort de la forêt, toute une région est en émoi. La petite ville de Furth-im-Wald, entre la Bavière et la Bohême, peut s’enorgueillir de célébrer un des plus anciens spectacles populaires d’Allemagne.

Dernière édition : 28 juillet 2022

Des maisons décorées, des lampions et fanions un peu partout et, dans les vitrines des photos plus ou moins anciennes représentant un preux chevalier et sa princesse. Comme par miracle, d’éventuels travaux routiers qui trainaient toute l’année, sont terminés début août.

Pas de doute, la petite ville frontalière dans l’Est de l’Allemagne s’apprête à vivre sa « cinquième saison » qui, ici, n’est pas le carnaval, mais le « Drachenstich », la mise à mort du méchant dragon. Chaque année au mois d’août, c’est la « fièvre du dragon » qui saisit les habitants.

Petit aperçu du spectacle. :

Quoi de plus normal, puisque chacun a grandi avec ce spectacle, comme ses parents avant, ses grands-parents, arrière-grands-parents…. Chaque enfant pouvait réciter les paroles de chaque acteur (tous des bénévoles) Chaque garçon rêvait d’incarner un jour le chevalier Udo, celui qui combat le dragon tandis que les filles se voyaient dans le rôle de la princesse qui, par amour du peuple, est prête à se sacrifier au dragon.

Moi aussi d’ailleurs ! (pour info je suis née là-bas) Mais, j’ai beau être une femme, c’est le rôle du grand méchant qui m’attirait, celui du chevalier noir.
Mais ça, c’était avant 2006 et la décision de repenser le spectacle, de réécrire le texte.
L’histoire autour du combat évolue avec son temps, reflète le cours de l’histoire le long de la frontière. Le dragon symbolise la menace venue de l’est, les vies perdues dans les combats. Avec l’ouverture des frontières, il n’était, honnêtement plus concevable de traiter ses voisins de méchants.

La nouvelle pièce met plus l’accent sur des vérités historiques que sur des ressentis populaires. Il y est aussi question de fanatisme religieux, thème étrangement actuel ! L’action a été étoffée, invite à réfléchir. Des voix off situent le contexte.

Du coup, les visiteurs ne comprenant pas l’allemand, ont un peu de mal à suivre le fil de l’histoire, à identifier les « méchants » et les « gentils ». Dans l’ancienne version, c’était simple : les braves soldats partaient combattre l’ennemi, le méchant chevalier était drapé dans une cape noire, les gentils étaient en armure et la princesse vêtue de blanc. Pour profiter pleinement du spectacle, mieux vaut donc s’informer avant.

Le dragon sort de sa tanière

Des scènes de combat, des joutes verbales, des différends religieux, une histoire d’amour, de trahison et d’honneur. Rien ne manque pour un spectacle plaisant. Mais voilà. Ce ne serait qu’un joli spectacle parmi d’autres s’il n’y avait cette merveille de la technologie et de la robotique : un authentique (ou presque) dragon qui se déplace tout en crachant du feu !

C’est le plus grand robot marchant à quatre pattes du monde ! Plus de 20 entreprises ont mis en commun leur savoir-faire pour créer ce monstre high tech en 2010. Des spécialistes en effets spéciaux de Hollywood y ont participé tout comme le centre allemand spatial.

Le vrai héros, c’est bien lui : 15,50 mètres de long, 3,80 mètres de large, 4,50 mètres de haut avec des ailes d’une envergure de 12 mètres. Bourré d’électronique moderne, cette merveille de la technologie crée la surprise depuis 2010, faisant paraître les anciens dragons bien petits !
« Tradino » comme l’appellent les habitants de Furth im Wald, est le descendant d’une longue lignée de dragons plus ou moins effrayants. Il y a plus de 500 ans, c’étaient d’ailleurs des hommes déguisés qui mimaient ce méchant animal.

 

Car cette « mise à mort du dragon » remonte à la nuit du temps.  Si trop de documents ont été détruits au cours de l’histoire mouvementée le long de la frontière entre la Bavière et la Bohème, une première mention écrite de ce dragon remonte à l’an 1590.

A l’origine, il faisait même partie de la procession religieuse à l’occasion de la Fête-Dieu. Le combat entre un chevalier représentant saint George et le dragon faisait partie d’une mise en scène haut en couleur voulue par l’église catholique en réponse au mouvement des protestants. Une sorte de « contre réformation ». Les paysans trempaient des mouchoirs dans le sang du dragon réputé miraculeux.

Mais voilà, le chevalier et le dragon attiraient bien plus les spectateurs et fêtards que l’église. Et en 1878 c’en est terminé du dragon – du moins lors de la procession ! Car les habitants de la ville tiennent à leur dragon et ils déclenchent carrément une petite révolte ! Résultat : depuis 1879, il a donc droit à sa propre fête.

1000 ans d’histoire

La fête du dragon anime la ville chaque année au mois d’août pendant 15 jours. En plus des représentations (de nuit elles sont plus spectaculaires), plusieurs manifestations rythment cette quinzaine.

La fête de la bière par exemple (pas de ville ni de village en Bavière sans sa fête de la bière !) et son défilé d’ouverture : après la dégustation publique – gratuite – de la bière brassée pour la fête, groupes traditionnels et musiciens se rendent sur le terrain de la fête.

Le grand défilé historique qui retrace plus de 1000 ans d’histoire. Quelques 1400 participants en costume d’époque, 250 chevaux, des nombreux groupes de musique traversent la ville.
Une grande fête du Moyen-Âge pour les enfants.

Cave Gladium

Sans oublier ce formidable campement de chevaliers, de soldats et de  clans venus de toute l’Europe qui investissent un vaste terrain.

En se baladant dans le campement on peut les observer lors de l’entrainement, assister à des tournois divers, regarder travailler des artisans, acheter vêtements et accessoires pour toute tenue du Moyen-Âge, chevalier ou gente dame, écouter de la musique d’époque (ne vous trompez pas, les musiciens savent mettre le feu même avec une simple cornemuse !) et se restaurer comme il faut, évidemment.

Et chaque soir, la fête bat évidemment son plein dans la grande salle sur le terrain de la foire.